LES TESTS DE LACHMAN

  

Dr. Dominique LUCAS

 

Les tests cliniques pathognomoniques sont rares. Le signe de Lachman en est un, encore faut-il, pour qu’il soit fiable, en maîtriser la technique. Pour aider le clinicien, des variantes en radiographie dynamique ont été mises au point ;

 

Le ligament croisé antérieur a fait, et fera encore, couler beaucoup d’encre. La raison de l’existence de cette abondante littérature vient de la fréquence de cette pathologie en traumatologie sportive, du handicap qu’elle procure, des difficultés du choix thérapeutique, mais aussi de la possibilité d’un diagnostic clinique pour un praticien habitué  à cette pathologie. Le test de Lachman est le signe clinique essentiel pour ce diagnostic.

 

DÉCRIT DEPUIS PEU MAIS SUSPECTÉ DEPUIS LONGTEMPS

C’est en 1976 que la manœuvre de Lachman a, pour la première fois, été décrite. C’est Josef S. TORG, élève du professeur Lachman (de 1956 à 1989 à la Temple University of Philadelphia) et probablement en l’honneur de son maître, qui a fait cette première description.

Mais l’étude historique de ce signe par le remarquable travail de H. H. PASSLER et D. MICHEL a permis de retrouver des descriptions de signes cliniques se rapprochant de ce test. Ainsi, en 1875, NOUILIS décrivait des mouvements anormaux du tibia sous le fémur d’arrière en avant, quand le genou est proche de l’extension, en cas de section du ligament croisé antérieur.

En France, P. SEGOND décrivait, dans les entorses graves fraîches, donc examinées proches de l’extension, des mouvements de translation antéro postérieure en cas de rupture du ligament croisé antérieur : c’était en 1879, Albert TRILLAT, en 1948, enseigne que l’insuffisance du ligament croisé antérieur entraîne une subluxation antéro postérieure du tibia sous le fémur, et surtout que la perception d’un « déclic » net dans ces mêmes mouvements sur le genou sain n’est pas retrouvée sur le genou dont le ligament croisé antérieur est rompu.

Nous voyons donc que ce signe a été pressenti par des nombreux cliniciens, mais c’est sous l’appellation test de Lachman  que nous le connaissons aujourd’hui.

 

LA TECHNIQUE D’EXAMEN

Bien que la description d’origine parle d’un examen proche de l’extension, dans la pratique, il se fera entre 0 et 30°, pour mettre en tension les différents faisceaux du ligament croisé antérieur.

L’examinateur doit obtenir un relâchement musculaire total de la part du patient. Pour ce faire, il pourra s’aider de son propre genou glissé sous le creux poplité du patient, pour obtenir la décontraction des muscles ischio-jambiers.

Cette technique permet, de plus, de mieux empaumer une cuisse un peu forte en coinçant celle-ci entre la main supérieure et son propre genou. Le test de Lachman demande une grande habitude, souvent de la patience, pour obtenir une bonne décontraction du patient, et quelques "trucs" pour déjouer les pièges.

 

Le signe de lachman (tiroir antérieur du tibia par rapport au fémur) permet d'affirmer le diagnostic

 

DIFFICULTÉS ET PIÈGES

La manœuvre de Lachman peut paraître simple, mais, dans la pratique, ce test peut être trompeur ou d’interprétation difficile.

Une lésion méniscale, notamment une anse de seau bloquée dans l’échancrure inter condylienne, peut le faire paraître négatif malgré la rupture du ligament croisé antérieur. Il faut donc être très attentif en cas de blocage méniscal.

Un épanchement intra articulaire important peut gêner l’examen. La ponction préalable est parfois nécessaire. Une rupture partielle du ligament croisé antérieur peut donner une impression d’arrêt net à certains angles de flexion.

D’où l’importance de rechercher le test à différents angles ; La morphologie du patient et celle de l’examinateur peuvent amener quelques difficultés. Une cuisse sportive de bon volume peut être difficile à empaumer par une main frêle. Enfin, la douleur et ses contractures réflexes sont la cause la plus fréquente d’une recherche difficile de ce test. Toutes ces raisons font que des variantes ont pu voir le jour.

 

LES TESTS "RADIOCLINIQUES"

Les radiologues ont mis au point différents systèmes (Telos, KT 1 000) pour « fixer » sur un cliché le test de Lachman, ou plus exactement le test dynamique permettant un diagnostic fiable de rupture du ligament croisé antérieur.

Le procédé exposé ici sera le système Telos, car fiable, peu coûteux, c’est un appareil léger, abordable pour un radiologue s’intéressant à la traumatologie du genou.

Installation sur la table de radiologie avec poussée vers l'avant sur la jambe.

Importante rupture du LCA avec tiroir de 30 mm, à comparer au tiroir normal (5mm) du genou opposé

L’appareil est constitué de deux appuis antérieurs, l’un juste au dessus de la rotule, l’autre en avant de la cheville. Le genou est positionné à 20° de flexion, la poussée s’exerçant à l’aide d’un dynamomètre au niveau de la partie haute de la jambe.

Cet examen se fait de manière comparative, entre la ligne perpendiculaire au plateau tibial, élevée à son bord postérieur, et le bord postérieur des condyles, qui doivent être strictement alignés.

La valeur retenue est une différentielle, entre le côté pathologique et le côté supposé sain. Les études montrent qu’au delà de 4 mm de différentielle, le ligament croisé antérieur est très probablement rompu.

 

Le diagnostic de rupture du ligament croisé antérieur doit être clinique.

Un bon entraînement, un peu de patience, et l’examen clinique doit montrer la lésion du ligament croisé antérieur. Le test de Lachman et le temps essentiel de cet examen. Le test de Lachman radiologique est intéressant dans les cas très difficiles. Il a aussi un intérêt quantitatif : en effet, en mesurant l’instabilité, il donne une bonne notion de l’état des formations périphériques du genou, et ainsi, aide à la décision thérapeutique.